J.O. 50 du 28 février 2003
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Avis n° 2003-AC-1 de la Commission des participations et des transferts du 24 février 2003 relatif à l'émission par France Télécom de titres perpétuels remboursables en actions nouvelles et à leur échange contre des créances sur MobilCom
NOR : ECOX0306383V
La Commission
Emet l'avis suivant :
I. - Par lettre en date du 28 novembre 2002, le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie a saisi la Commision, en application de l'article 3 de la loi no 86-912 du 6 août 1986 modifiée relative aux modalités des privatisations, du projet d'émission par France Télécom de titres perpétuels remboursables en actions nouvelles, en vue de la remise de ces titres aux banques et fournisseurs du groupe MobilCom en échange des créances qu'ils détiennent sur ce dernier.
Aux termes des dispositions de l'article 4 de la loi du 6 août 1986 précitée, la procédure suivie dans cette opération étant celle d'une cession de gré à gré dans le cadre d'un « accord de coopération industrielle, commerciale ou financière », la Commission est appelée à rendre un avis, dont la conformité est requise, sur le choix de l'acquéreur et sur l'ensemble des conditions de l'acquisition,
En application de l'article 1er (1°) du décret no 93-1041 du 3 septembre 1993 pris pour l'application de la loi no 86-912 du 6 août 1986, un avis relatif au projet a été publié au Journal officiel du 7 février 2003. La Commission a été informée que cette publication n'a pas suscité de réaction.
II. - Les relations contractuelles entre France Télécom, la société allemande MobilCom AG et M. Gerhard Schmid, fondateur et alors président du directoire de cette société, ont été définies par l'accord-cadre de coopération signé le 23 mars 2000. L'objectif déclaré de France Télécom était de prendre une participation dans cette entreprise de commercialisation de services de téléphonie mobile qui, sans être un opérateur de réseau, disposait d'une base de clientèle importante (environ 8 % du marché allemand). MobilCom, avec l'appui de France Télécom, devait acquérir une licence de téléphonie mobile UMTS et devenir opérateur d'un réseau de troisième génération vers lequel il pensait être en mesure de faire migrer sa clientèle.
L'accord-cadre comprenait trois catégories de dispositions :
- des options portant sur 33 % du capital MobilCom AG et pouvant être exercées à un prix fixé par experts : France Télécom disposait d'une option d'achat exerçable entre 2003 et 2006 tandis que M. Schmid disposait d'une option de vente dans certaines conditions spécifiques ;
- un engagement de financement : France Télécom s'engageait à financer directement les dépenses de MobilCom liées au démarrage de l'activité UMTS en Allemagne, y compris l'acquisition de la licence, ou à garantir, si nécessaire, les concours financiers obtenus à cet effet par MobilCom auprès de tiers. Le financement du prix élevé de 8,4 milliards d'euros auquel une licence a été attribuée à MobilCom, a été assuré en juillet 2000 au moyen d'un prêt de France Télécom à hauteur de 3,7 milliards et d'un crédit de 4,7 milliards d'euros consenti par un syndicat bancaire. Ultérieurement, France Télécom a accordé des concours supplémentaires de 998 millions d'euros à MobilCom. Du point de vue juridique, les activités UMTS sont maintenant localisées dans une filiale de MobilCom AG, MobilCom Multimedia GmbH ;
- des procédures de coordination : un comité de coordination paritaire devait se prononcer sur les questions stratégiques (budget, plan d'affaires,...), une procédure de médiation étant prévue en cas de conflit.
Parmi les faits intervenus depuis 2000, il faut relever :
- le transfert des droits et obligations de France Télécom à Orange en décembre 2000, à l'exception de l'engagement de financement conservé par France Télécom à la demande de M. Schmid ; Orange détient par suite - via sa filiale Wirefree Services Belgium SA - la participation de 28,3 % dans MobilCom AG précédemment acquise par France Télécom ;
- la signature par MobilCom en avril 2001 d'un contrat dit d'itinérance avec E-Plus, filiale de l'opérateur néerlandais KPN, comprenant une clause de rémunération minimale ;
- l'octroi de crédits d'un montant de 1,2 milliard d'euros à MobilCom par les fournisseurs d'équipements Nokia et Ericsson.
III. - La stratégie qui avait motivé l'accord avec MobilCom n'a pu être menée à bien par France Télécom, en raison d'une part du retard général en Europe du lancement de la troisième génération de téléphonie mobile (UMTS) et d'autre part du désaccord entre les parties à propos du plan d'affaires et du programme d'investissements, jugés irréalistes par France Télécom. Ce dernier apprenait de surcroît début 2002 que le président du directoire de MobilCom aurait accompli, avec la société Millenium, des actes susceptibles d'être contraires au droit des sociétés allemand.
Face à cette situation, France Télécom et Orange décidaient le 11 juin 2002 de dénoncer l'accord-cadre de coopération. Le 21 juin, le conseil de surveillance de MobilCom révoquait le président du directoire.
Afin de fixer sa position sur l'avenir de sa relation avec MobilCom, France Télécom faisait procéder durant l'été 2002 à un audit approfondi de MobilCom et examinait avec les créanciers (banques et fournisseurs) la possibilité d'un accord en vue de leur racheter leurs créances contre remise de titres perpétuels remboursables en actions nouvelles de France Télécom.
Le conseil d'administration de France Télécom du 12 septembre 2002 décidait de ne pas prendre le contrôle de MobilCom, de mettre fin au financement de la société et de poursuivre la négociation avec les créanciers. Une provision de 7,3 milliards d'euros était inscrite dans les comptes de France Télécom pour le premier semestre 2002.
Ces décisions devaient pratiquement conduire à la faillite de MobilCom. Cependant, le Gouvernement allemand a manifesté son intention de favoriser un sauvetage de l'activité hors UMTS de MobilCom, grâce à l'octroi d'une garantie à un concours de banques allemandes et à la nomination d'un médiateur. Un plan de redressement de MobilCom a été élaboré et a fait l'objet d'un audit destiné à en vérifier la faisabilité.
IV. - Un nouveau président de France Télécom a été nommé le 2 octobre 2002. La nature et les conséquences juridiques des engagements souscrits par France Télécom vis-à-vis de MobilCom, au titre de l'accord-cadre, ont fait l'objet d'études demandées à des cabinets internationaux tant par France Télécom que par la direction du Trésor. Sur ces bases, le conseil d'administration de France Télécom a conclu que le groupe devait prendre en charge les coûts d'arrêt et de fermeture du projet UMTS de MobilCom.
Les études juridiques ont établi de plus que la perspective d'une poursuite des autres activités de MobilCom, par rapport à une liquidation, ne faisait pas courir de risques plus élevés à France Télécom. Elle permet une solution négociée qui paraît offrir une plus grande sécurité juridique.
Au cours de ses réunions du 28 octobre et du 14 novembre, le conseil d'administration de France Télécom a approuvé les conditions du désengagement de MobilCom.
A la suite de ces décisions, un accord a pu être finalisé en novembre 2002 sur les quatre principes suivants :
- prise en charge par France Télécom de l'ensemble des coûts d'arrêt et de fermeture du projet UMTS de MobilCom ;
- clause de retour à meilleure fortune en faveur de France Télécom à hauteur de 90 % du prix de vente éventuel de la licence et des équipements UMTS ;
- financement par un syndicat de banques allemandes du plan de redressement de MobilCom ;
- renonciation à tout recours judiciaire de la part de MobilCom, de M. Schmid et de France Télécom.
V. - La mise en oeuvre de ces principes a conduit à la conclusion des principaux actes juridiques suivants qui forment un tout indissociable :
- un accord entre le groupe France Télécom et le groupe MobilCom (« MC Settlement Agreement ») par lequel les parties conviennent des conditions de la cessation des activités UMTS de MobilCom, et des coûts maximaux pris en charge par France Télécom à ce titre ; les parties renoncent à tout recours judiciaire entre elles ;
- un acte (« Treuhandvertrag ») par lequel M. Gerhard Schmid et la société Millenium GmbH constituent le Prof. Dr Helmut Thoma en tant que mandataire aux fins d'exercer l'intégralité des droits non patrimoniaux attachés aux actions qu'ils détiennent de MobilCom ; le mandataire s'engage à voter en faveur du plan de redressement ;
- une renonciation à tout recours judiciaire de M. Schmid contre le groupe France Télécom et réciproquement ;
- des accords de France Télécom avec respectivement Nokia OYJ, Ericsson Credit AB, les banques et institutions financières créancières de MobilCom, accords décrits au point VI ci-après ;
- un accord entre MobilCom et E-Plus Mobilfunk GmbH établissant les conditions financières dans lesquelles il est mis fin au contrat dit d'itinérance (« Roaming Agreement ») ;
- des accords de résiliation de contrats entre MobilCom et ses fournisseurs d'équipement UMTS, Nokia et Ericsson ;
- un accord d'un syndicat bancaire allemand pour concéder un prêt au groupe MobilCom avec la garantie des pouvoirs publics allemands, en vue de permettre la mise en oeuvre du plan de redressement ; cette garantie fait l'objet d'un examen par la Commission européenne.
Enfin, le plan de sauvetage de MobilCom a été approuvé par l'assemblée générale extraordinaire de ses actionnaires réunie le 27 janvier 2003.
La Commission constate que les accords qui lui ont été présentés constituent bien un « accord de coopération industrielle, commerciale ou financière » au sens de l'article 1er du décret no 93-1041 du 3 septembre 1993 pris pour l'application de la loi no 86-912 du 6 août 1986.
VI. - Les instruments qu'émettra France Télécom sont des titres perpétuels remboursables en actions nouvelles qui sont destinés à être remis, pour leur valeur nominale, aux créanciers de l'activité UMTS de MobilCom en paiement de l'achat de leurs créances. L'accord prévoit explicitement la compensation entre la souscription par les créanciers des titres et le paiement des créances par France Télécom. Les créances sont achetées à leur valeur nominale augmentée des intérêts qui seront courus à la date de l'émission des titres.
Les créanciers sont :
- les groupes des deux fournisseurs de MobilCom :
- Nokia OYJ ;
- Ericsson Credit AB ;
- dix-sept banques et institutions financières :
- ABN AMRO Bank NV ;
- Deutsche Bank Luxembourg SA ;
- Merrill Lynch Capital Corporation ;
- Société générale ;
- BNP Paribas ;
- Dresdner Bank AG in Hambourg ;
- ING Bank NV ;
- JP Morgan Chase Bank ;
- Sumitomo Mitsui Banking Corporation ;
- WestLB AG ;
- Crédit agricole Indosuez ;
- The Bank of Tokyo-Mitsubishi Ltd ;
- Credit Suisse First Boston International ;
- Caja de Ahorros y Monte de Piedad de Madrid ;
- CIBC World Markets plc ;
- Mizuho Corporate Bank Ltd ;
- Landesbank Schleswig Holstein.
Le montant maximal de l'émission ne pourra dépasser 6,1 milliards d'euros. Chaque titre émis aura un nominal de 14 100 EUR et sera remboursable en actions sur la base d'une parité initiale de 300 actions de France Télécom pour chaque titre, soit un cours de conversion de 47 EUR. Pendant les sept premières années, le prix de conversion pour les banques sera ajusté en fonction des paiements de dividendes ou d'opérations affectant la structure du capital.
Les autres principales caractéristiques des titres émis sont les suivantes :
- coupon : 7 % payable annuellement pendant les sept premières années puis coupon trimestriel sur la base de l'Euribor 3 mois majoré de 300 points de base ; le coupon sera réduit de 50 points de base si les agences de notation relèvent d'au moins deux échelons la note de France Télécom par rapport à l'actuelle et si le cours de bourse de l'action s'établit pendant vingt jours de bourse consécutifs au-dessus de 30 EUR ; l'émetteur peut différer le paiement du coupon en cas d'absence depuis douze mois de distribution de dividende ;
- conversion par le porteur : à tout moment au prix de conversion (47 EUR à l'origine) ;
- conversion forcée par l'émetteur : France Télécom peut forcer la conversion à partir de la huitième année si le cours de l'action dépasse 125 % du prix de conversion pendant vingt jours de bourse consécutifs ;
- subordination : les titres sont subordonnés à l'ensemble des emprunts émis par France Télécom ; en cas de liquidation de ce dernier, les porteurs seraient traités pari passu avec les actionnaires ;
- cession des titres : l'accord prévoit des obligations de conservation des titres par les porteurs pendant une certaine période, les conditions d'une cotation des titres et des limitations à la couverture ou à la restructuration des titres ;
- partage de la plus-value en cas de cession des titres : le cédant reverserait à France Télécom 80 % de la plus-value éventuellement réalisée.
VII. - Les banques conseils de l'Etat et de France Télécom ont procédé à l'évaluation financière des titres émis.
Les banques ont utilisé deux méthodes pour cette évaluation :
- la méthode de l'avantage de rendement qui est fondée sur l'analyse du titre émis comme étant une action dont la prime d'émission doit être compensée par l'avantage en terme de rendement sur un horizon de quelques années ;
- la méthode d'évaluation intrinsèque par des modèles mathématiques de valorisation d'instruments dérivés.
Les paramètres retenus dans ces calculs (prime de risque des obligations, volatilité du cours de l'action, taux de distribution de dividendes) résultent de l'observation des caractéristiques sur le marché des titres émis par France Télécom ainsi que de titres émis par d'autres grands groupes comparables du secteur.
Les banques estiment que cette évaluation fait apparaître, dans la plupart des hypothèses étudiées, une décote de la valeur financière des titres émis par rapport à la valeur nominale.
VIII. - L'émission de titres qui vient d'être décrite et la remise de ces titres aux créanciers de MobilCom en échange de leurs créances ne peuvent être appréciées que dans le cadre de la solution globale apportée au retrait de France Télécom de MobilCom que ces opérations rendent possible.
La remise des titres aux créanciers permet à France Télécom d'éviter le risque, qu'il estime élevé sur la base des analyses juridiques auxquelles il a été procédé, de devoir payer en trésorerie à la suite de recours judiciaires l'appelant en garantie. Compte tenu de l'importance des montants en cause, un tel paiement n'aurait pas été compatible avec la situation générale de lourd endettement que supporte France Télécom et avec la difficulté qu'il rencontrait pour accéder aux marchés. Les titres émis, du fait de leurs caractéristiques, ne devraient pas être considérés comme des dettes par les analystes et les investisseurs, mais comme des quasi-fonds propres, ce qui évite une dégradation supplémentaire du bilan de France Télécom.
L'accord comprend des dispositions pour que le montant maximal des actions de France Télécom susceptibles d'être émises du fait de la conversion des titres ne puisse entraîner une baisse de la participation de l'Etat par dilution telle que celle-ci perdrait la détention de la majorité du capital qu'il doit conserver en vertu des dispositions législatives en vigueur.
Les créances rachetées par remise des titres seront aussitôt abandonnées. La charge qui en résulte ainsi que le coût de l'ensemble du retrait de MobilCom tel que négocié n'entraînera pas de perte nouvelle, la totalité de ces montants étant déjà couverte par les provisions constituées à hauteur de 7,8 milliards d'euros dans les comptes de France Télécom. Orange, qui n'encourt pas de charge nouvelle, a pour sa part déjà intégralement provisionné le montant de sa participation dans MobilCom.
Il est noté que les accords comprennent des clauses visant à faire profiter de façon significative France Télécom d'un redressement de la situation : il recevra 90 % des produits de la cession éventuelle par MobilCom de ses actifs UMTS, y compris la licence ; il percevra en outre 80 % de la plus-value éventuelle que réaliseraient les créanciers en cédant ultérieurement leurs titres.
Grâce à la renonciation à tout recours ultérieur convenue entre les parties, France Télécom ne devrait plus être appelé à supporter à l'avenir de charges au titre de MobilCom. Les éventuels risques résiduels sont considérés comme ayant été fortement réduits par la conclusion des accords.
Les conditions du retrait du groupe France Télécom du dossier MobilCom ont été accueillies favorablement par les analystes et peuvent être considérées comme un des éléments qui expliquent la hausse du cours de l'action dans les derniers mois et la possibilité qu'a retrouvée le groupe de faire appel de nouveau aux marchés obligataires.
Au total, l'opération examinée par le présent avis permet à France Télécom de solder les coûts de sa sortie de MobilCom en réduisant le plus possible ses risques juridiques et les versements de trésorerie incompatibles avec sa propre situation financière. Elle permet à France Télécom de se consacrer à la mise en oeuvre du plan d'action annoncé le 4 décembre 2002.
Prenant en compte la grave situation dans laquelle s'est trouvé France Télécom à l'été 2002 en raison de ses contraintes de trésorerie, de l'échec de sa participation dans MobilCom et des pertes élevées qui en ont résulté, la Commission estime, après avoir examiné l'ensemble des dispositions des accords, et en particulier les conditions de l'échange de titres contre des créances, que ces accords n'apparaissent pas défavorables aux intérêts patrimoniaux de l'Etat.
Pour ces motifs, et au vu de l'ensemble des éléments qui lui ont été transmis, la Commission émet un avis favorable à l'opération qui lui a été présentée ainsi qu'au projet d'arrêté annexé au présent avis (1).
(1) Cet arrêté est publié au Journal officiel de ce jour sous la rubrique Textes généraux.